Le président français Emmanuel Macron qui se dit partisan d'un ordre multipolaire et plaide pour le respect de l'accord nucléaire signé entre l'Iran et les 5+1, a qualifié, sur CNN, de menace le programme balistique iranien. Il demande même que de nouvelles négociations aient lieu pour conclure un "PGAC balistique" qui restreindrait les activités balistiques conventionnelles de l'Iran jusqu'en 2025. Mais à quoi joue la France?
À la tribune de l'Assemblée générale de l'ONU, le président américain a tenu pendant 40 minutes un discours truffé de haine et de mensonge. "Des boniments " à la limite du comprehensible qui comme le confirme le chef de la Diplomatie russe, "n'ont été compris ni à l'extérieur ni même à l'intérieur des États-Unis". Mais le président français qui défend "l'accord nucléaire", et le "dialogue avec tous", comment se fait-il qu'il s'en prenne aux missiles iraniens, alors qu'il n'est aucune région au monde qui soit aussi périlleuse en termes de dangers sécuritaires que le Moyen-Orient?
À l'antenne de NBC, le président iranien, Hassan Rohani a rejeté les accusations selon lesquelles "le programme balistique iranien" contredirait "l'esprit de l'accord nucléaire": "Cette accusation des Américains est loin d'être vraie. Tout au long des négociations qui ont abouti à l'accord de 2015, nous n'avons pas eu de cesse de répéter que nos missiles sont non-négociables puisqu'ils sont d'un caractère uniquement défensif. Le PGAC, aussi bien dans ses termes que dans son esprit, ne porte nullement sur la défense nationale iranienne. Les Iraniens vivent dans une région très névralgique. L'Iran est un pays qui a subi huit ans de guerre imposée par Saddam. Il a été pendant très longtemps victime du terrorisme. Le péril est à tout instant à notre porte. D'où la nécessité de jouir d'une puissance défensive digne de ce nom qui saurait nous assurer la sécurité de notre pays et de notre nation. Nos missiles font partie de notre arsenal défensif."
Plus loin dans ses propos, le président iranien a évoqué les huit ans de guerre Irak-Iran (1980-1988) : " Tout au long de ces années, la population iranienne a subi de plein fouet les missiles de Saddam. Les trois premières années de la guerre, l'Iran était incapable de riposter au moindre des tirs de Saddam. Et ce fut à cette époque que nous avons décidé d'en fabriquer par nous-mêmes. Et Saddam a cessé ses tirs de missiles en direction de nos villes, quand nous avons été capables de riposter. Dans notre mémoire collective à nous, les Iraniens, le "missile" est synonyme de la défense nationale, défendre notre vie, nos biens, notre pays."
Le discours de Trump a tenté d'établir le parallèle entre l'Iran et la Corée du Nord. Le président français n'a pas été non plus à l'abri de la tentation d'assimiler l'Iran à la Corée du Nord. Bien que pour Téhéran, les tirs de missiles nord-coréens soient en réalité une "réponse aux provocations américaines" et "aux manquements de Washington à ses engagements pris dans le cadre des pourparlers des six", mais la comparaison ne tient pas debout. À la question du journaliste de NBC qui demandait quel sentiment nourrissent les Iraniens quand leur pays est comparé à la Corée du Nord, Rohani a répondu :
" Cette comparaison n'a pas lieu d'être. Car la Corée du Nord ne fait pas partie du TNP, Traité de non prolifération. La Corée du Nord n'a jamais permis aux inspecteurs de l'AIEA de se rendre sur son territoire. Pyongyang réclame clairement sa volonté de fabriquer la bombe nucléaire et elle en fait même des tests. La Corée du Nord est une puissance nucléaire déclarée. Or l'Iran se place dans une situation tout à fait inverse. Il est membre du TNP, et du système du contrôle et de vérification. Ses portes sont ouvertes sur les inspecteurs de l'Agence avec qui l'Iran est en interaction. Dans l'optique iranienne, l'arme nucléaire, sa fabrication, son maintien et son usage sont interdits, comme le confirme d'ailleurs très clairement une fatwa du Leader de la Révolution. Ce que l'Iran cherche, c'est le nucléaire à usage civil et dans ce domaine, il coopère d'ailleurs, avec brio, avec le monde. Des coopérations existent entre l'Iran d'une part et la Chine et les États Unis de l'autre, à Arak où nous disposions de l'un de nos réacteurs. L'Iran informe régulièrement l'AIEA de ses activités. En ce sens , vouloir établir un parallélisme entre l'Iran et la Corée du Nord est une aporie destinée à dévier l'opinion publique. C'est un geste qui n'est ni moral ni correct, un geste qui va à l'opposé des cadres logiques dans lesquels il faudrait agir pour convaincre l'opinion."